Gainsbourg toujours...

Bonjour,

j'ai commencé il y a peu de temps ma collection "Ecouter le cinema", et je tiens déjà à dire que je trouve cette initiative vraiment excellente. J'ai démarré avec un de mes compositeurs préférés : François de Roubaix. Mais je suis aussi un fana de Gainsbourg, et j'ai vu que "Ecouter le cinema" propose déjà quelques BO du grand Serge. Aussi je lance une demande pour la BO de Charlotte for ever, malheureusement jamais sortie en tant que BO (il y a l'album de Charlotte, mais ce n'est pas la BO du film). Je pense notamment à la version instrumentale de Depression au dessus du jardin que j'on entend lors du plan séquence dans l'appart. Bref voilà quoi, et bravo pour cette collection (meme si mon portefeuille n'est pas très heureux )

Bienvenue korama !

On m'a appris récemment que la très belle "Dépression au dessus du jardin" s'inspirait en réalité d'une étude de Chopin, et effectivement j'avais repéré une étrange similitude en écoutant ces études il y a déjà quelques temps...

Oui, Gainsbourg etait assez friand des adaptations de chopin. Lemon Incest aussi est basé sur du Chopin.

Pour "Lemon Incest", j'étais au courant (car la pièce de Chopin est très connue) mais pas pour "Dépression au dessus du jardin" (qui est l'une de mes chansons préférées de lui).

Si on parle de la musique de film signée Gainsbourg il ne faudrait pas oublier que la plupart n'était pas composée par lui. Car il n'était pas capable de le faire soi même. Il avait toujours besoins de bon arrangeurs, comme Goraguer, Greenslade, Whitaker, Colombier, Vannier ou Sabar ; Alan Hawkshaw à ne pas oublier non plus.

Les inspirations classique de Gainsbourg ont été compilées sur CD récemment:

Non, on ne peut pas dire qu'elles n'étaient pas composées par lui. Elles étaient co-composées, il faisait les ébauches, composait ou co-composait les thèmes et les arrangeurs/co-compositeur faisaient le reste.
En fait, c'est dommage, mais on ne connaît pas trop sa contribution aux orchestrations. Dans le reportage d'époque sur la création de "initials BB", on voit qu'au niveau de la musique ses idées étaient bien précises.
Ce n'est qu'un avis perso, mais, même si j'apprécie le talent de messieurs Goraguer, Colombier et Vannier, ce que je préfère de leur travail c'est ce qu'ils ont fait avec Gainsbourg. C'est une association de talents. On oublie aussi trop facilement le travail des musiciens, plus ou moins anonymes. Que serait "Melody Nelson" sans le groove imparable de la section rythmique ? C'est la même façon de groover que sur les arrangements de Greenslade (musiciens d'Hawkshaw). Contrairement aux arrangements de cordes forcémment très écrits, ceux-là dépendent vraiment du talent des musiciens, qu'on pourrait presque aussi considérer comme des co-compositeurs.

Par contre je viens de réécouter l'Etude en fa mineur Op 10 n°9 de Chopin et contrairement aux analystes de Gainsbourg, je ne trouve pas que ce dernier ait réellement "pompé" ou "pillé" Chopin dans le très beau "Dépression au-dessus du jardin" mais jugez plutôt :

http://server3.pianosociety.com/protected/chopin-10-9-bertoglio.mp3
https://www.dailymotion.com/video/x1xsri_gainsbourg-depression-au-dessus-du_music

la mélodie de Chopin rappelle vaguement celle de "Dépression au-dessus du jardin" mais le rythme et l'harmonie n'ont absolument rien à voir, d'autant plus que le tempo est bien plus lent dans la chanson de Gainsbourg... bref, pour moi cette chanson est entièrement gainsbourienne même si l'inspiration est romantique.

max a écrit:

Non, on ne peut pas dire qu'elles n'étaient pas composées par lui.

Au contraire, c'est exactement cela qu'on peut dire. Je n'ai pas réclamé que G. n'avait rien composé. Mais, c'est évident qu'il était très dépendant des arrangeurs. Chacun lui donnait un son individuel. C'est quelque chose qui rend la musique de Gainsbourg si variée. Un style personnalisé à la Gainsbourg n'existe pas alors. C'est dur, mais sans arrangeur Gainsbourg était quasiment rien au niveau musical. Si on ne veut pas le croire il faudrait bien lire les propos de Goraguer ou Colombier. À propos ce documentaire sur Initial BB, je le connais bien, Serge a pas mal de difficulté de s’exprimer en anglais auprès de son arrangeur. Gainsbourg aimait faire semblant d’être capable de tout. Mais il faudrait voir derrière ses prétentions.

C'est certain qu'il était dépendant de ses arrangeurs, mais en même temps c'est aussi lui qui décidait de travailler avec un tel ou un tel pour mettre en forme ses chansons/musiques de telle ou telle manière.
J'ai bien lu les divers interviews de Colombier et Goraguer, et ils sont assez clairs à son sujet. SG était certes limité techniquement (au niveau de l'orchestration surtout), mais on ne peut pas dire qu'il n'était presque rien musicalement. Il suffit de réécouter un de ses meilleurs albums "Gainsbourg confidentiel" pour s'en rendre compte. Sur ce disque, il n'y a pas d'orchestrations dans le sens classique du terme, mais juste deux instrumentistes. Les chansons y sont presque nues, et ça fonctionne très bien. Il était tout de même un excellent mélodiste, avec une bonne culture musicale, et un honnête pianiste de jazz (cf la petite reprise de "All of the things you are"). Limité dans la technique par rapport à ses arrangeurs, mais tout de même un cran au-dessus de bien de ses contemporains de la chanson, et je n'irais même pas comparer avec la "relève" actuelle.
Disons qu'il ne rentre pas dans cette vision ancrée dans la tradition classique européenne du compositeur qui écrit toute son oeuvre sur partitions. C'était avant tout un créateur d'émotion, un artiste, peu importe les moyens (plus ou moins honnêtes selon nos critères moraux). Les musiciens avec lesquels il a collaboré étaient eux le plus souvent de très bons artisans (ça peut paraître dur aussi!). Après, tout le monde ne recherche pas la même chose en matière d'écoute musicale...